Mendiman, le nouveau super héros

Cet après-midi , direction la police des étrangers pour la 6ème fois. Cette fois, j’espère récupérer mon récipissé de demande. J’ai bon espoir car la date officielle était le 24 septembre : un mois et demi de délai, ca devrait passer.

Lucas travaillant, je pars seule en voiture en redoutant le double rond-point de la mort. Pour nos futurs visiteurs, on vous montrera. Pour les autres, il s’agit de 2 rond-points qui se suivent et qui sont constamment embouteillés. On parle des embouteillages de Dakar : 3 voitures de front dans le rond point, des marchands ambulants qui essaient de te vendre de l’anti-cafard, des chaussettes, des mouchoirs, des noix de cajou, des portraits des chefs religieux (je dois pas être la cible car ils s’arrêtent rarement vers la voiture), les personnes en chaise roulante (oui, oui, sur le « terre-plein » central de la 2×2 voies) et les talibés. Étonnamment, la circulation est fluide.

Circulant dans des rues moins passantes et me rapprochant de mon but, je commence à être moins attentive. Erreur ! Soudainement, Mendiman apparaît devant la voiture. Bras et jambes écartées, il m’empêche de passer posant même ses mains sur le capot et me demandant de l’argent. Je lui signifie que je ne lui donnerai rien. Il s’approche de la fenêtre un peu ouverte côté conducteur et met une main sur l’ouverture. L’instinct me fait appuyer sur l’accélérateur et il reste accrocher à la Dacia en se mettant à courir à coté. Voyant la situation perdue, il finit par lâcher l’affaire.

L’obtention du récipissé est finalement une broutille. Je connais le chemin, le bureau, le policier. Bref je repars au bout de 5 min avec ce fameux bout de papier imprimé sur du brouillon.

Remontant dans la voiture, je me doute que je vais recroiser Mendiman. Je roule donc portes et fenêtres fermées. Il n’est pas là où je l’attendais. Je reste vigilante. C’est devant une mosquée que je le revois accompagné cette fois de 3 compères. Il me refait le même coup mais je ne m’arrête pas, je ralentis tout de même. Un des ses sbires tape sur la voiture, peut-être pour me faire peur ou me faire stopper. Étant beaucoup plus énervée qu’effrayée, je continue ma route en ignorant ces personnes.

Note culturelle :

Après discussion avec mes collègues, il s’agit des bayefall, une branche de la confrérie des mourides.

Interdit au moins de 18 ans

Les cours de wolof continuent et se ressemblent … malheureusement.

Aujourd’hui nous avons eu droit à une vidéo amateur de 8 min d’une discussion en wolof dans un taxi à Dakar.

Si tous nos lecteurs la regardent, cela va doubler le nombre de vues.
L’ensemble des élèves n’a rien compris et le prof tendait l’oreille pour comprendre. Evidemment, regarder une vidéo transférée par sa responsable avant le cours, c’est surfait.

Nous avons aussi « lu » un extrait de l’unique livre qui décrit le corps humain en wolof. Après une heure de décryptage de 2 petites pages, je pose la question qu’il ne fallait pas poser.
« Le livre est-il entièrement en wolof ? »
Daouda, notre prof, réfléchit quelques secondes et ses yeux s’illuminent en disant : « il y a un glossaire bilingue ».
Immédiatement, il quitte le cours pour aller nous faire quelques photocopies. Nous nous retrouvons avec 4 pages de termes physiologiques. Les élèves se regardent en se disant : »on en a pour 3h à tout lire ». Mais notre enseignant nous dit que c’est pour notre culture générale. Nous voici soulager.

C’est à ce moment que je décide de prendre un mot au hasard dans la liste et de l’apprendre.
Le mot « mballu » sonne bien à mes oreilles. Il s’apprend facilement : pas de prononciation difficile, il fait penser à Baloo dans le livre de la jungle.
Mon cerveau se met en action et valide ce choix jusqu’au moment où je me rends compte que c’est la traduction du verbe « se masturber ».
Trop tard : ma mémoire poubelle a déjà sauvegardé cette donnée.

Résultat des courses, après 2 heures de cours, c’est le seul mot que j’ai retenu. Je connais le futur, l’impératif et le présent continu. Mais je ne vois pas dans quelles circonstances je pourrai l’utiliser. Essayez d’imaginer la situation !

On m’a fait marcher

Aujourd’hui c’est le jour du loyer, repoussé d’une semaine pour cause de fêtes. Comme l’agence se trouve à Mermoz, je profite de l’aller avec Céline qui va au lycée. Je dépose en moins de 40 secondes la somme dû, récupère aussi promptement le reçu, et repars presque aussi vite que je suis venu. Comme nous l’avions déjà expérimenté à cette heure là l’avenue de l’alternance est complètement bouchée. Heureusement que je vais dans l’autre sens. Mais il y a peu de taxis, je décide donc de faire un bout à pied. J’attraperais peut être un taxi une fois arrivé au croisement. Il y a un peu de vent et je décide de continuer de marcher même arrivé sur la route de Ouakam.

Comme j’avance d’un pas quelconque, un autre piéton se retrouve à une vitesse similaire et me dit bonjour. « ça va bien ? oui ça va bien et toi ? ça va oui, bien … » (note pour plus tard faire un article sur les salutations à la sénégalaise) il continue sur un « je me permet par ce que on est voisin » … « oui oui on habite pas loin, c’est moi qui tiens la boutique en bas là.. tu vois bien. » je fais mine de rien et, il m’extrait les noms de Pape et de Amadou le gardien à grand coup de cold reading

*** à ce moment de l’histoire je pense qu’il est important de faire un petit flash back qui vous aidera à mieux comprendre ma réaction***

Il y a quelques quelques semaines, lorsque nous rentrions de l’institut français nous -ou plutôt je- avons été accostés par un homme qui prétendait me connaitre. « ha mais c’est toi ! …  » j’oriente l’homme sur la fausse ressemblance mais il est sur de lui et est persuadé de me connaitre, et même de connaitre une partie de mon histoire en Suisse chez swissquote. Si je n’étais pas sur mes gardes, que je ne m’étais pas déja enfilé 600 heures de Derren Brown sur youtube et que Céline était pas avec moi j’aurais été une cible facile. Il commence des phrases en me laissant compléter, ne fournit aucun nom, mais les reprend très vite avec un « voila oui! et tu te souviens de … comment il s’appelait .. le grand là » Et honnêtement y’a un moment vu que j’ai une mémoire très nulle j’ai vraiment cru que c’était quelqu’un dont je ne me souvenais pas. Mais chaque fois que je lui tendais une perche pour qu’il me confirme qu’il connaissait quelque chose de précis il ne la prenait pas. u bout de dix bonnes minutes, comme c’était le soir et que Céline était là nous n’avons pas eut de mal à prendre la tangente (oui Céline étant prof de math ça simplifie … pour prendre la tangente … rire… maintenant …).  Du reste il était très courtois et à même redit plusieurs fois que si on devait y aller il n’y avait pas de problème.

Cet épisode nous a bien entendu fait réfléchir. Et nous nous sommes plusieurs fois posés la question mais qu’est-ce qu’il voulait exactement ? quel était le but de cette lecture à froid, certes bien exécutée, mais sans but visible au final. Et nous n’avions pas la réponse ce que je trouve un peu frustrant.

*** retour aujourd’hui dans cette rue en plein cagnard mais avec un vent léger qui rend la marche pas si désagréable ***

… »je tiens le commerce en bas là, et je reviens de chez un fournisseur » … aaaah voila le lien lucratif, il est ténu, et dilué dans d’autres conversations plus mondaines. J’en profite pour lui demander d’où il vient – de Guinée. Ce qu’il pense de l’état de salubrité des rues. Il me fait la même réponse que Abdul le véritable tenant du commerce le plus proche de chez nous « ha ben c’est les africains ils sont comme ça » … vous parlez de racisme.

Nous continuons durant un bon moment et Sila, c’est son nom, essaye de jauger le contenu de mon portefeuille assez subtilement avec des questions visant à déterminer si j’ai des grosses coupures. Soulevant le problème de monnaie qui est effectivement récurant ici. Il me demande aussi les plats que j’ai déjà mangés ici, me dit que son préféré c’est le mafé. J’essaye aussi de profiter de ses connaissances sur l’attiéké afin d’en déterminer le mode de cuisson, mais je pense que google sera plus efficace que « oui oui c’est comme la semoule ». Au bout d’un bon kilomètre j’essaye de lui fausser chemin lorsque je vois qu’il tend à continuer tout droit et que je peux prendre à droite. Mais la manœuvre est malhabile. J’aurais du attendre qu’il me dise exactement qu’il continue tout droit et j’aurais pu ainsi forcer le fait que je vais à droite ou l’inverse. A ce moment je pense qu’il pensait qu’il m’avait bien ferré. Il continue en me disant que comme il est grossiste, il peut m’avoir de la petite monnaie facilement.

A ce moment je me dis qu’il faut que je prévois une vraie porte de sortie. Je programme donc la minuterie de mon téléphone sur 6 minutes. Tant il est facile de nos jours de triturer son téléphone sans que cela soit suspicieux. Ainsi lorsque l’on arrive à une boutique sur la rue très passante et qu’il me dit de m’assoir je peux m’assoir tranquillement. Il me dit évidement de lui donner les grosses coupures qu’il donnera ensuite au commerçant qui lui aura la monnaie. -Ceux qui ne s’attendaient pas à ça sont priés de venir accompagnés et de tenir la main de leur tuteur durant tout leur séjour ici-. Sans vrai surprise, lorsque je me lève pour voir, il s’empresse de me dire « non non faut pas qu’il te voit il faut que tu me donnes l’argent sinon il va croire que c’est pour toi et il fera pas le prix de grossiste ». « ha ben oui c’est sur… suis-je bête » pense-je.

Bip bip fait le téléphone. Je réponds et utilise mes années d’expérience en jeu de rôle pour faire une véritable discussion catastrophe « oui allo… oui .. quoi ? … ça va ? …. non ? …. t’as mal ? …. Guillaume il est là ?…hm hmm …  et mais…  .. non attend.. attend quoi ? … ça va pas … non mais  ok … j’arrive, j’arrive » En poussant au maximum la voix vers Sila pour qu’il comprenne bien les mots clefs « t’as mal » « ça va pas ». Je mets mon plus beau masque de mec paniqué, lui dit que je suis désolé mais ma femme est tombée et je dois partir, je lui sers la main rapidement lui dit encore désolé et me retourne en quête d’un taxi. Je fais mine de ne pas entendre que « c’est pas bien ce que tu fais, le prix d’un taxi c’est rien » et « mais tu rates une …. « . Et marche d’un pas pressé bien justifié par la panique jouée au préalable. Je ne sais pas si il a gobé mon histoire mais que ce soit le cas où pas ne change rien. Si il ne m’a pas cru il aura compris que je n’étais pas dupe. Si il m’a cru c’est qu’il est encore moins malin qu’il ne le pense (et que mon jeu d’acteur est meilleur que je ne pense). Et si il doute c’est bien fait pour lui.

Encore une fois je suis malchanceux aux taxis, et pour éviter de recroiser Sila je remonte encore toute la rue, fait un détour et me retrouve à finir l’avenue Cheik Anta Diop rajoutant 2 kilomètres supplémentaires pour arriver à la maison. Finalement oui, il m’aura bien fait marcher.

 

Balade en 4×4

C’est le gérant lui-même qui conduit. On aurait du encore être accompagnés par Éric et Christelle mais c’est la panne d’oreiller. Nous sommes donc en visite guidée privée. Un arrêt au vulcanisateur pour vérifier la pression du pneu avant gauche. Ah, tu te demandes c’est quoi un vulganisateur ? Oui on a vu les deux orthographes en plus. Alors c’est une sorte de mécanicien post apocalyptique noir. Une scène tout droit sortie de Mad Max. L’homme avec ses lunettes de soudeur est entouré de nombreuses chutes de métal et est en plein travail. Son fils et probablement son apprenti l’observe. L’ambiance désertique et le métal oxydé environnant forment un décors parfait pour ce cliché de fin du monde. Après un rapide échange en Wolof le mécanicien se dirige vers ce que l’on suppose être son atelier et en extirpe un tuyau hors d’age. Et comme partout au Sénégal ça passe. Et le pneu retrouve sa pression optimum.

Nous partons en direction de Fimela en utilisant le chemin qui, d’après les échanges de mail, devait être impraticable. Nous apprenons que les baobabs s’ouvrent après 100 ans, qu’on y momifiait les griots . Cette pratique fut interdite en 1964. Certains oiseaux dont on a oublié le nom sont communistes : ils construisent des nids collectifs. Lorsque les pélicans tournent en rond, c’est qu’ils digèrent. Évidemment dans la réserve naturelle où il est interdit de pêcher, nous croisons des pêcheurs en action. Après quelques dizaines de minutes à travers les pistes, nous arrivons au port de Djiffer très peu active à cause du pèlerinage de Touba. Si le galvanisateur était le maître du métal la pointe de Djiffer en est son extension poissonnière. Lambi et poissons sont à différentes étapes de séchage. Il y a peu de monde. À hauteur de poitrine faits de bois et de cordes, les étals s’étendent à perte de vue et aussi comme vous vous en doutez à perte d’odorat. Le sol est jonché de coquilles de lambi et de coques. Des yeux et nageoires pointent tout juste de sauts plein de sel. Cette production est en grande partie réservée au marché asiatique. L’autre moitié donne sur la rive. Les bateaux ne sont pas en mer car la plupart des pêcheurs sont au pèlerinage . 

 

Retour par la route principale avec un arrêt à l’écologde de Palmarin en bord de mer. Douga en profite pour saluer ses anciens collègues.