Je sais que le covid19 est sur toutes les bouches, dans tous les claviers, derrière tous les écrans, mais au moins on est certains de s’en souvenir dans 2 ou 4 ou 10 ans. C’est aussi le cas pour ces sonorités typiques que le Sénégal nous a offertes jusqu’à présent. Les sons qu’on entend depuis chez nous.
L’appel à la prière. A tout Seigneur tout honneur, et on en a déja parlé, l’appel à la prière depuis chez nous est plutôt agréable. Ce n’était pas le cas au premier endroit que nous avions occupé (chez Margot). Là-bas c’était un cri rauque qui saturait, une enceinte réglée au niveau maximum possible. Je soupçonne même les techniciens d’avoir débridé le haut parleur pour sacrifier la compréhension du message contre plus de portée. Mais je ne suis pas spécialiste. Heureusement ici c’est une mélodie bien plus douce et plus agréable. Un bon souvenir que l’on chantera en comité restreint . aalaaha haaeaaeaaeaaa ewabaaahaaahaaa.
Chling chling. Chling Chling. Le bruit des gros ciseaux qui s’agitent annonce le passage d’un, et de fois deux, couturier(s). Comme le plombier, le couturier se déplace avec le strict minimum: une machine à coudre manuelle qu’il transporte à l’épaule comme d’autre un sound blaster, et dans l’autre main une paire de ciseaux pointue et tout-tissu. Un accroc à reprendre, un ourlet à faire, ces samourais de l’étoffe sont là pour vous servir. Comme Céline est équipée et entrainée, nous n’avons jamais eu besoin de faire appel à eux.
Je passe rapidement sur le klaxon de taxi parce que « pomp » il y a déjà pas mal de choses là dessus « pompomp » sur le blog. Et nous n’avons toujours « pomp » pas cerné l’ensemble des stimulis qui les poussent à « pomp ».
Depuis que le lycée est fermé, Céline travaille à la maison et découvre les joies du meeting sur skype et de la « conf-call » tellement tendance dans les start-up. Dans les pays européens c’est drôle. Ici il y a une subtilité sonore à prendre en compte: le passage du camion poubelle. En effet, ici les gens n’ont pas beaucoup de poubelles, et ceux qui en ont, ne les laissent pas dehors. J’imagine que les troupeaux de vache, les chats, les rongeurs et autres mammifères bienveillants en sont la cause. Toujours est-il que la poubelle n’est sortie que lors du passage du camion et donc ce dernier, pour être sur que les gens soient prêts, utilise toute la puissance de son klaxon pour prévenir l’intégralité des gardiens du quartier qu’il est en train d’arriver. Il l’utilise fort, il l’utilise longtemps, il l’utilise de loin. Et surtout il l’utilise au moment précis où c’est à toi de présenter le statut du projet. S’isoler dans la cuisine est inutile, seul l’achat d’un casque avec micro intégré a pu limiter cet effet.
Je reviens aussi sur le tisserain. Ce petit oiseau qui nous avait embellis les matins et qui est toujours là. Sa mélodie journalière est toujours présente. J’imagine qu’avec le couvre feu et le confinement qui va arriver d’ici quelques jours, il sera bien content de ne plus avoir comme concurrent les mécaniques aggressives que l’on croise ici.
Dont notament le tonitruant et grinçant son de frein du bus Tata du matin. Pour se l’imaginer, on part d’environ 10 tonnes de métal peint en blanc et bleu, plus ou moins poussiéreuses, quelques grilles pour protéger les feux des gens ou l’inverse, une plaque de métal sur le coté pas trop bien fixée parce que sinon il faut la dévisser à chaque fois que l’engin tombe en panne. On met dedans le maximum possible de personnes. On y ajoute encore 10 ou 20 étudiants et le chauffeur. Et on lance le tout pas trop vite, mais avec une inertie certaine. Enfin on demande au disque de frein suffisament de frottement pour arrêter tout cet équipage sur environ 5 mètres juste après le virage. Gniiiiiiihuiiiiiin pour s’arrêter tout juste devant les personnes qui vont jouer des coudes pour continuer le chargement par pure récurrence « si y’a de la place pour lui il y a bien un peu de place pour moi aussi ».
Pour rester dans les oiseaux, il y a le croassement des corneilles blanches et noires que l’on entend: crouin crouin crouin. Trois fois, toujours trois fois, comme une invocation. Aussi le coutouloucou des tourterelles du cap. Il y a beaucoup d’oiseaux au Sénégal. Mais à Dakar seuls les plus robustes sont admis. Corneilles, tourterelles du cap, et buses. Les calaos arrivent encore à tirer leur épingle du jeu mais on ne les entend pas aussi souvent que quand on était à Simal.
Et Clop clop. Ha ben oui il y a les charrettes. J’en avais parlé dans la Vie à Dakar, et on les entend. Elles sont certes moins impressionnantes que les monstres de métal mais ce serait une faute de ne pas en parler ici.
Enfin un autre haut parleur, monté dans un camion. Nous avons mis du temps à comprendre et il a fallu non seulement écouter mais aussi observer pour savoir de quoi il s’agissait. Alors comme vous avez du temps (ne mens pas je sais que tu es confiné, et tu as tout lu jusque là donc hein) je vous laisse avec cette énigme sous forme d’une subtile litanie :
Les plus perspicaces auront droit à un bisou numérique.