Tu savais que les fourmis d’une même colonie partagent 75% de leur ADN ? Ceci et le fait qu’elles vivent en société très structurée fait que l’on peut pratiquement considérer une colonie comme un seul individu.
Depuis l’an dernier déjà, malgré les scellés que nous mettions à toutes nos denrées, malgré toutes nos précautions avec nos poubelles, il semblait qu’une colonie avait décidé de venir s’abreuver dans notre bidon d’eau. Il faut dire que l’été dernier a été particulièrement chaud et peu pluvieux contrairement à cette année. Tout le monde connait cette histoire du chat abandonné qui s’impose, que l’on arrive pas à faire partir, et que finalement on adopte parce qu’on a pas la force de continuer à le mettre dehors. De la même façon j’ai fini par baptiser cette colonie Josiane.
Donc Josiane cohabite avec nous. Comme avec un chat il faut faire attention à ne rien laisser trainer. « non Josiane, tu n’as pas le droit de manger des cookies », « Josiane, fais attention tu bois trop », « tu peux pas rentrer dans la cuisine je t’ai déjà dit c’est pas ton espace », « Josiane, va chercher la bal… ha ben non … «
Comme des mauvais propriétaires d’animaux, on a nonchalamment abandonné Josiane pendant les vacances. Mais une colonie de fourmi c’es plus malin qu’un chat donc elle peut se débrouiller sans nous. Et comme des mauvais propriétaires d’animaux, on a espéré en rentrant que Josiane n’ait pas envahi tout notre appartement et mis le bordel partout. Heureusement ce n’était pas le cas. On a même cru que Josiane était partie définitivement.
Mais en fait non, elle avait juste abandonné l’espace où on stockait l’eau puisqu’il n’y en avait plus. Mais elle revenait le matin au petit déjeuner. Et le soir .. et le midi « et non, là je travaille Josiane laisse moi tranquille un peu c’est mon bureau… pfou « . Et j’ai trouvé ça bizarre de ne plus voir une colonne de fourmis comme avant qui zébrait le mur, mais tout de même plusieurs ouvrières qui semblaient apparaitre sur la table spontanément.
Alors je me suis dit qu’il fallait quand même vérifier cette table. C’est vendredi après midi, il fait chaud et le ventilateur tourne. Il faut commencer par vider tout ce qui est sur la table, faire de l’espace dans le salon. Je commence à nettoyer les rainures de la table, et je continue en débloquant les rallonges et effectivement, « tu pousses le bouchon un peu trop loin Josiane ». C’en est trop, si Josiane ne s’était pas installée dans la table elle était probablement en train de le faire. Les centaines d’ouvrières prises la patte dans le sac me font savoir leur mécontentement en s’agitant dans tous les sens. Tatata c’est trop tard, il fallait y penser avant. Je vais m’équiper d’un masque (ça c’est la référence COVID) et du bidon de Yogon. Le Yogon ça a la couleur du baygon, l’odeur du baygon, mais c’est du Yogon.
Fort bien, il s’agit aussi de vérifier tous les recoins de la table. Sauf que j’ai eu la main lourde sur le Yogon. Et il fait chaud, donc la table est sur un carrelage glissant de Yogon et de sueur. La retourner pour démonter les pieds est plutôt périlleux. Mais peu importe, il faut en finir sinon ça sert à rien. Manquant de me tourner le dos, de glisser en tatane sur le sol j’arrive bon an, mal an, à retourner le meuble, à démonter les pieds, et vérifier que tout est bien pesticidifié. L’opération de retour de la table sur ses pieds est tout aussi complexe. Mais je m’en sors tout de même. Il ne reste plus qu’à nettoyer tout ça, et essayer de ventiler la pièce pour ne pas s’autoasphyxier.
A l’heure où j’écris ces lignes, toujours pas de nouvelle de Josiane, je pense qu’elle est toujours fâchée, mais bon c’est elle qui a commencé aussi … je veux dire on peut être sympa … mais bon … faut pas abuser quand même … c’était mon yaourt à la vanille.